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murat_erpuyan Admin Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 12081 Localisation: Nancy / France
Posté le: 22 Aoû 2025 0:09 Sujet du message: Autosuffisance alimentaire
De l'autosuffisance à la dépendance : la Turquie agricole sous pression politique et commerciale
Pendant les années 1960 à 1980, la Turquie figurait parmi les rares pays au monde pouvant revendiquer une quasi-autosuffisance alimentaire. Elle était riche d’un cheptel important, réparti sur tout le territoire, et produisait localement la quasi-totalité de ses besoins en fruits, légumes, céréales, viandes, produits laitiers. Le monde rural était encore très actif, soutenu par un État interventionniste et un modèle de production vivrière répartie.
Mais à partir des années 1990, et plus fortement encore depuis les années 2000, une véritable rupture s’est opérée. Sous l'effet des réformes libérales imposées par les institutions financières internationales, puis sous les gouvernements de l'AKP, la politique agricole turque a changé radicalement. Les subventions ont été réduites, les organismes publics (comme le TMO) affaiblis, et le pays s’est tourné vers les marchés mondiaux pour combler ses besoins.
Cette ouverture, loin d'être neutre, a engendré l’émergence d’un véritable "capitalisme d'importation loyaliste". De nombreuses sociétés proches du pouvoir ont bénéficié des contrats d'importation (viande rouge, tourteaux de soja, huile de tournesol, riz étuvé), devenant des relais économiques et financiers essentiels du régime. Elles ont joué un rôle clé dans le financement de la propagande gouvernementale, notamment à travers les médias et les réseaux de distribution alimentaire.
Dans le même temps, la situation du monde rural s’est dégradée : perte de millions d’hectares de terres agricoles (souvent urbanisées), exode rural, appauvrissement des petits producteurs. La viande, autrefois bon marché, est devenue une denrée chère, importée massivement depuis la France, l’Argentine ou le Brésil. Les kebabs bon marché contiennent de moins en moins de viande rouge locale.
Face à cette dépendance accrue, le pouvoir affiche depuis quelques années un discours de retour à la souveraineté alimentaire, surtout depuis la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine. Quelques efforts ont été amorcés : relance des serres, projets d’hydroponie, encouragement aux légumineuses. Mais sans plan national cohérent, sans rupture avec les réseaux d’importation établis, ces initiatives restent marginales.
Le journaliste et économiste Emin Çapa a illustré ces faits dans plusieurs vidéos pédagogiques. Il y dénonce l’absurdité d’importer du blé ou de l’huile dans un pays aussi fertile, et met en cause les choix politiques qui ont mené à cette situation. Pour lui, cette dépendance est un choix économique guidé par des intérêts clientélistes, et non une fatalité.
En conclusion, la Turquie reste un pays au potentiel agricole immense, mais ce potentiel est aujourd’hui bridé par des choix politiques et économiques court-termistes. Rétablir une véritable autosuffisance suppose une rupture avec le système des rentes d’importation, un soutien massif aux producteurs locaux et une véritable stratégie nationale de souveraineté alimentaire.
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